• LE BAISER DE DIEU 3) -Le mal, la souffrance et la mort/3-la mort

    Le mal, la souffrance et la mort.
    Partie 3 -La mort.



    Avec la mystique juive, contemplons l'une des lumières qui éclairent le nom d'Adam.

    Adam est "Elohim" (la lettre aleph) dans le sang, et la présence divine dans le sang (dam) fait battre le coeur de l'homme. La vérité est celle que Dieu fait battre dans le coeur d'un mort, un coeur subtil, peut-être le centre du corps-énergie que décrit la médecine chinoise? Selon ces traditions, le mort n'est pas mort. Pour l'Hébreu, la vérité se définit par ce à quoi on accède en mourant à une dimension de vie pour entrer dans une autre, plus subtile, mais non moins réelle, jusqu'au réel ultime de dieu. La racine Hébraique de Mout (traduit généralement par le verbe mourir) en y attachant le sens courant de fin de vie avec son cortège de hideurs, a une toute autre signification. Si nous lui gardions ce sens, de nombreux versets biblique nous feraient frémir ("précieuse est aux yeux du Seigneur est la mort de ses "miséricordieux"). Nous avons à recouvrer notre regard ontologique pour lire en cette racine celle du verbe muter.
    Il implique la mort, mais celle-ci n'est que la première phase d'une dynamique de vie dont la deuxième est ressusciter, naître à un autre niveau d'être.
    Concernant l'arbre de la connaissance, Dieu dit: "Dans le jour où tu mangeras de lui, parce que tu es mutant, tu muteras". Ce fruit Divin ne peut être assimilé que par celui qui, ayant assimilé les mutations sera devenu feu, sinon et pour ne pas être brûlé, il mutera en régression ce qui est protection et non punition. Le Dieu Biblique n'est ni dictateur ni punisseur, il est un amoureux éclairant l'homme dans la connaissance des lois dans le respect desquelles sa liberté s'accomplira. Participant de cette régression, nous projetons sur Dieu le juridisme de nos lois de l'exil et nous le revêtons d'un autoritarisme où la mort devient un châtiment, une plaie noire. Le regard que nous portons sur elle en est faussé. Régressé au même rang que les animaux de la terre, Adam est revêtu d'une peau animale. Son corps biologique le protège d'un corps énergétique qu'il ne peut plus assumer et le fait participer du cosmos extérieur dans lequel il est projeté, voire exilé! Parlant de ceux qui se donnent la mort, un écrivain chrétien a écrit: "Trois facteurs souvent entremêlés me semblent expliquer l'intrusion en eux des ténèbres: l'absence de sens, la pulsion de mort et le narcissisme". Notre situation d'exil qui fait de nous des divorcés de la vie et explique cette infirmité que nous avons à vivre:
              - L'absurdité apparente de l'existence venant de la surdité acquise dans l'oubli du Verbe fondateur de l''être.
              - Le repli sur un ego solitaire, individualiste, autant idolâtré que détesté.
              - Les désécurisations forcées auxquelles aujourd'hui aucun abandon conscient ne préside, aucune certitude de resécurisation conquise sous d'autres lois ne vient donner sens.
              - L'absence totale de fil conducteur tissant une cohérence sociale et reconduisant à un Orient.
    Tout cela fait du maître de ce monde un tueur. Nous n'avons pas à juger, seulement un effroi sacré, et la compassion, la prière pour ce monde, pour qui la vie est si banalisée que la mort et la meurtre le sont aussi.
    Dans le mystère si poignant de la mort, le mythe du Déluge et la description des morts qui en est faite, que ce cataclysme déchaîne, est très éclairante et pourtant aucun exégète n'en parle. Un nouveau verbe hébreu le "dit" , le verbe "Gawo'a" qu'on peut traduire ici par rendre le souffle, c'est à dire "rendre compte du souffle de vie qui est donné à l'homme", de la qualité d'âme vivante qu'il a reçue de Dieu pour accomplir son potentiel d'énergies. Les trois patriarches d'Israêl "rendent le souffle" et mutent". Cette étape de vie, au moment de la mort, est présente dans toutes les traditions. Le Shalom, la "paix" a pour finalité payer sa dette. Le Christ dit aux siens: " je vous enlève la paix, je vous donne ma paix". "Toute chair rend le souffle. tout ce qui est esprit, souffle de vie dans ses narines, et tout ce qui est "dans l'Epée" mute." Mais on peut penser que celui qui ne peut répondre des talents qui lui ont été confiés, de la gloire de Dieu qu'il avait à devenir, bref de son entrée dans la dynamique de l'Epée, celui-là ne mute pas, il est mort avant de mourir. Que devient-il?
    Le texte ne le dit pas. Peut-être est-il envoyé dans les ténèbres extérieures, là où il ya des pleurs et des grincements de dents (est-ce là le Shéol?). Mais ceux-là qui se dressent au-dessus de la 'Adamah, ceux-là sont "subtilisés". Le verbe "Qoum", se dresser, est aussi ressusciter. Le verbe Mahoh (subtiliser) est lui, de la famille de Moah, la moelle. Osseuse ou épinière, elles sont toutes deux unies dans la même fonction énergétique; elles font partie de ce qu'on trouve dans la tradition chinoise, les "entrailles merveilleuses". "Subtiliser" est donc beaucoup fort qu' "effacer", car s'il y a effacement, il y a aussi passage à un autre niveau d'être, dans le sens d'une séparation entre le subtil et l'épais. Ces êtres ressuscités qui dans le Déluge sont "subtilisés" semblent aller constituer dans l'au-delà, l'épaisseur du tissage écarlate d'une humanité accomplie. Le texte se termine par le sort de ceux qui, avec Noé dans l'arche, loin de périr dans le Déluge (matrice d'eau) rendent compte de leur souffle afin que l'Epée les vivifie et qu'au-delà de l'épreuve de la matrice de feu symbolisée par l'arche, ils poursuivent leur chemin...
    Ce texte hébreu resserre en nous l'exigence d'une juste lecture de la mort. La vérité ("'Emet") est Dieu présent et agissant avec l'homme dans ses mutations. En elles Dieu fait battre le coeur profond de l'humanité. Cependant, combien il est difficile de quitter ce monde pour celui que l'autre monde appelle; quitter l'être cher pour ceux qui restent. Combien les attachements obligent les une et les autres à "s'arracher à sa peau", cette tunique animale tissée de toutes les fibres des amours humaines! Mais interrogeons nous: ne sommes-nous pas des tueurs, souvent les auteurs inconscients de nos meurtres à l'instar de "Quaîn"?
    Les villes que l'homme a construit, les civilisations qu'il édifie, si admirables soient-elles, les systèmes philosophiques érigés en certitude auxquels il oblige, les découvertes scientifiques dont il ne contrôle plus les applications, l'ensemble de ses oeuvres mues par l'orgueil insensé qui préside à son illusion d'être devenu Dieu, tout est source de mort. Il reste les beautés grandioses du travail de l'homme, mais le bilan est lourd: que de disparition brutale d'êtres jeunes, d'enfants! que de tortures et peurs laminant le dos! que d'êtres livrés à la cruauté de l'autre diabolisé! ...Que de souffrances et comme notre monde est douloureux et pourtant comme il est difficile de le quitter!
    C'est un paradoxe absolu que l'affrontement de nos deux natures en chacun de nous: l'Homme animal a si peur de l'autre, l'Homme ontologique présent en lui, dont il a la nostalgie et qu'en même temps il redoute! Qui sait aujourd'hui que dans sa liberté fondamentale, l'Homme a choisi l'éloignement de Dieu et donc l'ignorance, la souffrance et la mort? Sa relation magique au Dieu tout extérieur à lui qu'il s'invente tout-puissant pour le convoquer à l'obligation de l'arracher à son drame, cette relation illusoire est en train de s'effondrer. Mais s'effondre avec elle toute relation et...l'Homme rejette Dieu.






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